Le génocide des Juifs d’Europe a été préparé par un long cycle de violences extrêmes. Si l’antijudaïsme, cette passion génocidaire du Vieux Continent, constitue à l’évidence la toile de fond de la Shoah, il ne saurait rendre compte, à lui seul, de cette catastrophe. La brutalisation du monde, inséparable de la révolution industrielle et de l’expansion coloniale, comme le perfectionnement des armes, ont poussé à un point rarement égalé l’usage de la violence. Les dernières décennies du XIXe siècle et les quatre premières du XXe ont préparé l’avènement de ce que Ludendorff appellera la « guerre totale », un creuset dans lequel les esprits se sont accoutumés à un haut niveau de violence.
Dans ce dossier réalisé par Annette Becker et Georges Bensoussan, il s’agit d’inscrire l’histoire de la Shoah dans la généalogie de ces violences extrêmes, à la fois comme l’aboutissement du plus vieux délire de l’Europe, mais aussi comme l’apogée d’une brutalisation préparée un siècle en amont au moins. |