"Admettons aujourd'hui que les persécutions contre les groupes de résistance et les exécutons, les emprisonnements, les camps de concentration ; que l'absence de protestation publique en face des assassinats d'otages, et même, dans certains cas, la collaboration des préfets dans l'établissement des listes d'otages ; la suppression des libertés de la personne et des libertés ouvrières ; […] la politique de collaboration industrielle avec l'ennemi […], l'inondation de mensonge et l'abjection sous laquelle, sans la résistance de son peuple, la France risquait de perdre son âme ; les lois antisémites avec leur cortège de bassesse morale et de cruauté, les horreurs des camps où, comme l'a dit l'évêque de Toulouse, hommes, femmes et enfants sont traités comme du bétail, enfin cette chose […] qui n'avais jamais souillé notre histoire, la violation du droit d'asile, la livraison des réfugiés étrangers et des Juifs naturalisés français, des hommes que nous avions accueillis parmi nous et qui sont maintenant donnés à la mort […], admettons que toutes ces hontes aient été exclusivement dues au chantage allemand et à la contrainte allemande, bien qu'elles aient été présentées comme le fruit glorieux d'une politique libre et raisonnée […]. Elles ne font en tout cas que manifester l'étendue de la faute assumée par ceux qui […] ont enfermé la France dans le piège de l'armistice."
Jacques Maritain (décembre 1942)
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